Un an après le succès de la première édition, l’Université de l’Ingénierie et IKOS ont de nouveau réuni six doctorants pour la deuxième édition de « Pitchs d’en…fer ! », un concours qui bouscule les codes de la recherche ferroviaire.
En six minutes chrono, ces jeunes chercheurs ont relevé le défi de rendre accessibles des sujets de haute technicité devant un jury de dirigeants du secteur et un public appelé à voter.
Les lauréats de « Pitchs d’en…fer ! » 2025
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1er prix du jury : Eliane Casassa (RATP)
Méthodologie d’évaluation de la représentativité et de la vulnérabilité des jeux de données de type traces numériques. -
2e prix du jury : Héloïse Gachet (SNCF)
Conception intégrée et robuste des grilles de roulement cycliques pour le fret ferroviaire. -
Prix “Coup de cœur” : Enki Saura (IKOS)
Localisation satellitaire coopérative pour la signalisation frugale.
Un concours au service de l’attractivité de la filière
« Des gens qui trouvent, on en trouve ! »
C’est par cette boutade, détournant une citation du Général de Gaulle, que s’est ouverte la soirée dans les locaux de l’Université de l’Ingénierie à Saint-Denis.
Né d’une rencontre entre l’UdI et IKOS il y a trois ans, « Pitchs d’en…fer ! » se veut à la fois vitrine de la recherche et levier d’attractivité.
« On s’est rendu compte qu’on partageait des valeurs communes : humaines, de transmission de compétences, avec l’envie de faire grandir les gens et de servir l’innovation ferroviaire », rappelle Pierre Gibbe, directeur de l’UdI.
Les onze doctorants sélectionnés au départ ont bénéficié d’une formation de deux jours au pitch. Les six finalistes issus de SNCF, RATP, SYSTRA, Centrale Supélec et IKOS se sont ensuite prêtés à l’exercice devant un jury composé de dirigeants du secteur.
Un exercice exigeant, nécessitant à la fois rigueur scientifique et talent narratif.
Cette deuxième édition se distingue par la diversité des thématiques abordées, témoignant d’une recherche ferroviaire multidisciplinaire, et par la présence de quatre doctorantes parmi les six finalistes, signe encourageant de la féminisation des travaux scientifiques.
Six thèses, six visions du ferroviaire de demain
Héloïse Gachet (SNCF) — 2e prix du jury
« Conception intégrée et robuste des grilles de roulement cycliques pour le fret ferroviaire »
Comment optimiser les emplois du temps des conducteurs de fret à l’échelle nationale ?
En racontant l’histoire d’Alice, conductrice fictive, Héloïse Gachet a rendu accessible ce défi de recherche opérationnelle.
« Un solver d’optimisation, c’est un peu comme un four à pizza : très performant, mais encore faut-il lui donner la bonne recette. »
Son algorithme construit des grilles de façon intégrée, générant environ 8 % d’économies, tout en intégrant les retards dès la conception.
Antoine Persehais (IKOS)
« Co-construction de valeurs dans les projets d’innovation ferroviaire »
Brandissant un simple crayon, Antoine Persehais démontre que la valeur d’un objet ou d’un projet dépasse largement sa dimension économique : fonctionnelle, sociale, écologique, sentimentale…
« Imaginez de multiples valeurs et de multiples acteurs d’un projet ferroviaire, comme les musiciens d’un orchestre. Le chef de projet doit les guider vers une harmonie durable. »
Sa méthode transforme la « cacophonie » des parties prenantes en symphonie, avec une traçabilité complète des décisions.
Eliane Casassa (RATP) — 1er prix du jury
« Méthodologie d’évaluation de la représentativité et de la vulnérabilité des jeux de données de type traces numériques pour l’analyse de la mobilité »
« Et si votre trajet vous parlait, que dirait-il de vous ? »
La doctorante en mathématiques applique ses travaux aux traces numériques laissées par nos déplacements.
« En une journée, quelques points de localisation racontent déjà une histoire. »
Elle montre le potentiel analytique de ces données, tout en alertant sur les enjeux de protection de la vie privée — un équilibre scientifique et éthique qui lui a valu le premier prix.
Delphine Léger (SNCF)
« La transition des organisations par le design »
« Chers ingénieurs, bienvenue en sciences sociales, où les histoires ont un début, mais pas toujours de véritable fin. »
Avec cette entrée en matière, Delphine Léger introduit le design de transition appliqué à la RSE.
À partir d’un technicentre menacé de fermeture pour non-conformité environnementale, elle montre comment rendre visibles les flux, les interactions et les leviers d’amélioration collective grâce au co-design.
Enki Saura (IKOS) — Prix “Coup de cœur”
« Localisation satellitaire coopérative pour la signalisation frugale »
En trois actes poétiques, Enki Saura décrit l’enjeu de localiser les trains sans multiplier les capteurs en voie.
« Un TGV met trois kilomètres à s’arrêter… Il faut donc savoir où sont les trains. »
Sa solution : un système coopératif entre trains, avec un niveau de sûreté poussée jusqu’à une erreur possible seulement une fois tous les 100 000 ans.
Hibat Babty (SYSTRA)
« Instanciation d’un modèle d’architecture de jumeau numérique au cas d’une infrastructure ferroviaire existante »
Par une métaphore architecturale, il décrit un rail « qui chuchote son histoire » face à son jumeau numérique dans le cloud.
Sa « maison numérique » comporte plusieurs étages : capteurs, organisation des données, simulation, visualisation — un travail réalisé dans le projet collaboratif MINERVE.
Un jury d’experts face aux défis d’innovation
Pour évaluer les présentations, les organisateurs ont réuni un jury représentatif de la filière :
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Sylvie Buglioni, RATP
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Estelle Masclet, SNCF Réseau
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Annelise Baudouin, SYSTRA France
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Pierre Gibbe, Université de l’Ingénierie
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David Liling, IKOS France
« En offrant aux doctorants l’occasion de présenter leurs travaux devant des dirigeants du secteur, cette initiative enrichit leur parcours et contribue à l’attractivité du ferroviaire », souligne Pierre Gibbe.
« Véritable moteur de transformation, l’innovation est un atout stratégique pour concevoir les systèmes ferroviaires de demain », complète David Liling.
Le rendez-vous est pris pour la troisième édition en 2026.
D’ici là, ces six doctorants continueront de faire avancer la recherche ferroviaire, prouvant que l’avenir du rail se construit aussi dans les amphithéâtres et les laboratoires.
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Photo : Benjamin Babiz.